La Petite Boucherie

la petite boucherie
« La Petite Boucherie », photo by Sophie Ausilio, juillet 2018.

La Petite Boucherie

J’ai toujours adoré les boucheries…

A l’air du véganisme, j’ai conscience ! Il y’a comme une prise de risque à avouer cela.
Et pourtant, alors qu’aujourd’hui je diminue moi aussi ma consommation de viande, j’ai littéralement sauté de joie quand mon ami m’a dit : j’ai acheté une boucherie, on pourrait s’y faire un petit nid ?

Les lettres rouges vintages, la pièce carrelée de blanc avec la grosse bande rouge, la petite porte du frigo qui s’ouvre comme une fenêtre, tout cela me renvoie à une des périodes les plus heureuses de ma vie, celle de mon enfance à Saint Pourçain sur Sioule.

J’y passais les grandes vacances et le samedi matin, c’était la fête, on allait au marché.

Mon grand-père garait la R6 le long des grandes allées et escortée de ma grand-mère et de mes cousines je grimpais les escaliers qui menait à l’intérieur des Halles. Tradition familiale oblige, on filait tout droit à la boucherie chevaline.

Et tandis que nous attendions notre tour, j’admirais la bouchère.

Elle était maquillée comme une star de ciné et de sa blouse blanche immaculée sortaient des mains manucurées qui travaillaient la chair avec sensualité.

Sous mes yeux ébahis, elle posait sur le comptoir la viande flasque, d’un rouge tendre,  et la malaxait avec langueur pour en vanter la tendreté. Puis sa main gauche la maintenait en une prise ferme et douce tandis que sa main droite coupait d’un geste expert les filets que nous allions manger.

Je trouvais ça tellement beau que longtemps, adolescente, j’ai rêvé d’en faire mon métier, rien que pour pétrir avec sensualité les rumstecks ou les plats de tranche. D’autant plus qu’en suivant nous allions sur la place des Halles nous planter devant le camion réfrigéré du fils de la fromagère qui armé de ses yeux verts et de son marcel en coton blanc faisait grimper à vive allure les émois de mon cœur.

Alors compte tenu du contexte, vous admettrez aisément qu’une boucherie-charcuterie désaffectée peut devenir un superbe nid d’amour…

 

 

26 Comments

  1. J’ai toujours admiré les gestes précis d’un boucher qui découpe la viande (mais je ne succombe pas autant pour le pétrissage de la viande rouge… hihihi)
    Mais j’ai aussi de superbes souvenirs de marchés avec ma grand-mère, les odeurs, les couleurs, les voix, et le choix des meilleurs produits qui allaient devenir de succulents plats ! Je continue d’aller au marché et de le faire découvrir à mes petits-enfants, la transmission des coutumes, pour les gourmands que nous sommes 🙂

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  2. En lisant cet article, je réalise que je n’ai pas vu de boucherie chevaline à Aix… J’aime beaucoup celle du Pont de l’Arc ou je me sers depuis mon arrivée dans ce quartier voici plus de vingt ans maintenant. Le boucher n’est pas sensuel mais très pro et amoureux de son métier. Madame est également parfaite à la caisse et au rayon fromage… elle vous conseille volontiers et toujours avec le sourire. ça fait du bien de pousser la porte 🙂

    Nîmoise d’origine, les halles me manquent cruellement ici. J’aimais aller faire les courses avec ma mère dans mon enfance et puis seule une fois adulte.

    Sinon, un marché qui ne mérite que des superlatifs !!! El mercado de la boqueria à Barcelone !!! C’était carrément dans la caverne d’Ali Baba que m’amenait ma grand-mère lorsque j’étais enfant.

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    1. Je connais celui aussi de Barcelone, il est superbe de couleurs. Dans toutes les villes que je visite, je vais toujours faire un tour au marché, c’est vraiment un lieu vivant et plein de chaleur humaine. Merci pour ce partage, bonne soirée à toi.

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  3. J’avais du retard dans mes lectures d’été.
    Et maintenant, me voilà toute bouleversée … De Vincent, muré dans son étroite chambre, ou du fils de la fromagère, moulé dans son marcel, je ne sais vers lequel mon coeur balance … Vibrons, vibrons au diapason de la prose estivale de Sophie …

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  4. Que de souvenirs j’ai avec la boucherie chevaline qui faisait aussi office de boucherie bovine dans mon village. Cette boucherie était d’une propreté impeccable avec e beaux carreaux bien propres sur le sol et une enseigne qu’on voyait de loin avec la tête de cheval.
    Le boucher, un homme costaud, me laissait admiratif lorsqu’il débarquait ses morceaux de bœuf ou de cheval immenses sur ses épaules : on aurait dit Hercule lorsqu’il les emmenait dans la chambre froide et qu’il les attachait une par une à leurs crochets.
    Puis j’entrais pour faire les achats demandés par ma mère : 6 gamins à nourrir plus mon père et ma mère, voilà qui faisait de la viande à acheter. La bouchère était habituée et je lui débitais ma leçon : 6 fines tranches de steaks de bœuf, deux fines tranches de steaks de cheval, 6 steaks hachés s’il vous plait.
    Elle s’emparait de son grand couteau qu’elle aiguisait avec dextérité sur son fusil et tranchait avec art cette viande qui semblait défilait sous la lame. Une fois servi, elle m e demandait : « tu veux des abats pour ton chien et ton chat ? » Et elle rajoutait : « ne t’inquiète pas c’est gratuit. Je repartais le filet à provisions plein.
    Lorsque je repassais le soir, le sol était couvert de sciure et le commis se chargeait de nettoyer à grands seaux d’eau le sol afin qu’il fut propre le lendemain matin.
    Pas de vegans excités et ultras à cette époque et, si par malheur, ils avaient existé, le boucher qui était un colosse et un athlète (un rugbyman) les auraient attrapés, les aurait enfermés une bonne demi-heure dans la chambre froide puis serait venu les chercher pour les emmener la gendarmerie et porter plainte. Cet homme avait de l’humour sauf quand on touchait à son outil de travail et à sa viande !

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    1. Merci pour ce texte, ce partage de votre vie d’enfant. Moi aussi j’ai des souvenirs très forts de notre boucher de l’époque. Quand aux vegans je respecte leur vision des choses, j’ai moi-même diminué ma consommation de viande mais je réprouve, comme vous, les actions extremistes de certains. Je préfère le débat d’idées à la violence. Bonne fin de dimanche.

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